La nuit de l'étrange (4)

Publié le par Eryndel Lùvalan

A la mairie, notre enquêteur avait patienté un certain temps avant de parvenir au guichet. Il y avait foule, ce jour-là. Oh, il aurait pu faire valoir son statut d'inspecteur de police pour passer devant tout le monde... mais il détestait faire ça, et il n'était pas près de recourir à ses soi-disant privilèges : un flic devait montrer l'exemple, bon sang !

Au bout de trois quarts d'heures, Nils Legris avait enfin pu exposer sa demande, qui avait été satisfaite sur-le-champ grâce au mandat dont il s'était muni avant de partir. On l'avait conduit aux archives, où il avait pu consulter les registres qui l'intéressaient. Rien de bien fascinant, cependant... Il prit quelques notes, nota des noms, des adresses, puis quitta les lieux pour revenir au commissariat faire son rapport. Il avait décidé de rendre compte de la moindre avancée de l'enquête au commissaire.

Quand il entra dans le bureau de Viconia, il fut surpris d'y trouver une jeune femme à la beauté fragile et lumineuse.

"Excusez-moi. Je vais attendre à l'extérieur, marmonna-t-il en commençant à refermer la porte.

- Non, non, entre, Nils, entre ! En fait, tu tombes à pic ! Assieds-toi.

L'inspecteur s'exécuta, croisa les jambes, passa les mains derrière la nuque et attendit.

- Mademoiselle Da Luz, j'ai l'honneur de vous présenter votre nouveau collaborateur. Nils, cette petite-là est nouvelle dans l'métier. Elle vient tout juste de sortir de l'école de police ! Je te la confie. Même si c'est une petite nouvelle, elle saura t'aider dans ton enquête : les nouvelles méthodes qu'on apprend aux jeunes recrues sont très efficaces dans de telles situations ! et toi, tu lui montreras les dures réalités du métier. Si elle tient le choc dans cette sanglante affaire, elle aura fait ses preuves ! Bien, je vous laisse ! J'ai à faire. Ah, et fais-lui visiter les locaux, tant que t'y es !

Legris se redressa, les poings sur les genoux :

- Commissaire, je n'ai pas le temps de...

- Taratata ! Pas d'excuses, mon vieux ! Si tu n'as pas le temps, pourquoi es-tu tranquillement assis sur cette chaise à ne rien faire ?

- Mais...

- Ce sera tout, Nils ! Je file, profitez-en pour faire connaissance !"

Et sans laisser le temps de placer un mot à ses deux subalternes, il quitta le bureau en sifflotant - faux. Le silence s'installa entre Legris et Da Luz - un silence embarrassé et curieux - tandis qu'ils se jaugeaient. Legris se sentait lésé : pourquoi l'encombrait-on de cette débutante qui ne semblait pas avoir l'étoffe du métier ? Qu'avait donc en tête le commissaire ?

Enfin, il se décida à rompre ce moment de gêne :

"Mademoiselle Da Luz, avez-vous un prénom ?

- Non, évidemment ! répondit-elle en souriant d'un air moqueur, les yeux pétillants de malice.

- Ne jouez pas à ça avec moi, mademoiselle. Dans ce métier, il faut être sérieux.

- Reconnaissez que votre question était stupide, inspecteur, remarqua la jeune femme d'un ton aussi apaisant que le chant des étoiles.

Nils sentit sa colère refluer sous l'influence de la voix cristalline. Il eut un petit rire.

- Vous avez raison. Néanmoins, j'aimerais connaître votre prénom. Entre collègues, on ne s'appelle pas par son nom de famille.

- Angelica. Et vous, c'est Nils. Et tant qu'on y est, pourquoi se vouvoyer ? Entre collègues, inspecteur, on se tutoie, lança-t-elle d'un ton léger.

- Vous... tu as raison, Angelica, reconnut Legris en souriant - il commençait à apprécier le sens de la répartie de son interlocutrice. Bien, maintenant que ceci est établi, allons découvrir le commissariat, veux-tu ? C'est une perte de temps, à mon sens, mais... je vais en profiter pour t'expliquer sur quelle affaire je travaille. Ainsi, nous ferons d'une pierre deux coups."

La jeune femme acquiesça et se leva. Tous les policiers de service ce jour-là lui furent présentés ; et tous, à sa vue, paraissaient troublés et se levaient précipitamment pour lui serrer la main. En même temps, Nils lui résuma l'énigme à laquelle il était confronté : depuis quelques semaines, des gens disparaissaient. La nuit uniquement. On ne retrouvait pas leur corps, simplement une flaque de sang, et toujours à un endroit différent. Face à ces inquiétantes disparitions et à l'hémoglobine répandue, on avait supposé que les victimes avaient été tuées. De fait, s'il n'y avait eu qu'enlèvement, une demande de rançon aurait été adressée aux familles... Il lui parla du dernier crime décelé en détail, expliquant qu'il avait trouvé la dernière scène de meurtre, décrivant du mieux qu'il put l'ambiance particulière et l'aspect des lieux ce soir-là.

"Le début de ces méfaits coïncident avec l'arrivée de cinq personnes ici. Je vous montrerai la liste quand nous aurons achevé la visite.

- Vous ? 

Elle lui lança un regard en coin, un sourire dansant au coin de ses lèvres finement dessinées.

- Pardon.

Il se sentit rougir pour la première fois de sa vie.

- Je te montrerai la liste.

- D'accord ! Mais je suis débutante, et contrairement à ce que pense le commissaire, je doute d'être d'une grande aide. Tu as tellement plus d'expérience que moi !"

 

Pas en matière de meurtres, pensa-t-il. Mais il garda pour lui cette réflexion. Inutile d'inquiéter mademoiselle... d'inquiéter Angelica. Il la regarda à la dérobée. Sa sveltesse, sa petite taille et son regard lumineux donnaient envie de la protéger. Et pourtant, il sentait en elle une force qu'il avait du mal à déterminer. Sans doute était-ce dû à son charisme indubitable. En tout cas, finalement, il n'était pas mécontent d'être épaulé par cette jeune femme charmante : peut-être sa lumière permettrait-elle de repousser les ténèbres environnant le mystère qui planait sur sa ville ?

Publié dans La nuit de l'étrange

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
<br /> <br /> J'ai beaucoup aimer ce passage, ton intrigue avance bien et c'est vraiment agréable à lire.<br /> <br /> <br /> un flic devait montrer l'exemple, bon sang ! = un flic se devait de montrer l'exemple, bon sang ! Je préfère la phrase ainsi elle est certes plus lourde mais elle marque mieux sa<br /> résolution à mon avis.<br /> <br /> <br /> sa demande, qui avait été satisfaite sur-le-champ = hum… bon là encore je ne sais pas où ça se passe donc quelle est la procédure qui s’applique mais ça me paraît un peut simple, un flic se<br /> pointe et on lui permet de consulter les archives ? Ca fleure bon l’atteinte à la vie privée, un mandat serait bien.<br /> <br /> <br /> les indices découverts péniblement = je ne sais pas pourquoi mais j’inverserai les mots (mais bon je suis dyslexique alors) les indices péniblement découverts.<br /> <br /> <br /> car celui-ci pouvait avoir un point de vue différent sur les indices = un point de vue sur une liste d’adresse ? Hum je ne suis pas sure je netterrai car celui-ci pourrait avoir de nouvelles<br /> idées sur les endroits à inspecter, les lieux où chercher, enfin autre chose qu’un point de vue. Il peut aussi tout simplement aller faire son rapport sur l’avancée de son enquête (où demander le<br /> fameux mandat)<br /> <br /> <br /> Elle t'aidera dans ton enquête grâce aux nouvelles méthodes qu'ils apprennent aujourd'hui, et toi, tu lui montreras les dures réalités du métier = je trouve cette phrase maladroite ( à moins que<br /> ce ne soit la maladresse de ton personnage qui ressorte) mais elle donne l’impression que ton inspecteur est dépasser et réduit la nouvelle à la somme de connaissances qu’elle a acquis, je ne<br /> suis pas certaine d’être clair mais ça me choque. Je netterrai plutôt Elle t'aidera dans ton enquête. Et qui sait peut être que grâce aux nouvelles méthodes qu'ils apprennent aujourd'hui tu<br /> progresseras. Et toi, tu lui montreras les dures réalités du métier. Ou quelque chose comme ça. = Et puis ça semble étrange de faire commencer la novice par l’enquête la plus dure du<br /> commissariat, il serait plus logique de lui confier les affaires simples et de libérer ainsi un inspecteur chevronné. Tu devrais appuyer sur le fait qu’il confie cette enquête à la nouvelle car<br /> elle connaît des nouvelles techniques ou car elle est spécialement formée. En tout cas je pense que tu devrais expliquer le raisonnement du commissaire à un moment ou un autre et laisser traîner<br /> des indices dans les dialogues car là ce n’est pas vraiment compréhensible ou sinon il faut vraiment renforcer le coté loufoque de ce personnage pour qu’une décision apparemment incohérente<br /> paraisse logique de sa part.<br /> <br /> <br /> une flaque de sang = je suis désolée de revenir là dessus mais une flaque de sang n’est pas un indice suffisant pour ouvrir une enquête de meurtre, disparition inquiétante à la limite.<br /> <br /> <br /> je doute de pouvoir t'aider beaucoup = j’enlèverai le beaucoup ou mettrai " de t’être d’une grande aide " ou quelque chose comme ça, la ça me semble maladroit.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> <br /> Hé bien, merci pour tous ces conseils ! Pour ce qui est de la nouvelle et de son affectation... le commissaire n'est pas un homme très compétent, il ne réfléchit donc pas quand il impose Mlle Da<br /> Luz à l'inspecteur Legris. Ceci dit, il y a autre chose derrière ce choix -mais chut ! c'est un secret, pour l'instant.<br /> <br /> <br /> Je corrige le reste, merci encore pour toutes ces remarques.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> je me plais à lire cette aventure.<br /> <br /> <br /> bisous<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> <br /> Merci Reinette ! Cela me fait plaisir.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Une histoire rondement menée<br /> <br /> <br /> Je reviendrai pour la suite<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> Thierry<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> <br /> Merci Thierry ! Passe une bonne soirée.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Tu écris merveilleusement bien, Eryndel ! pas encore édité de livres ETRANGES ? J'ai adoré cette histoire, il y a tous les détails, tant physiques qu'émotionnels, je visualisais au fur et à<br /> mesure comme si un film se déroulait devant mes yeux ! Et aucun ennui, comme dans certains livres où des passages trainent en longueur ! ici ça pétille, l'action est permanente, j'aime vraiment<br /> ton style !<br /> <br /> <br /> Vivement la suite.....<br /> <br /> <br /> Amicales pensées et tout bon week end !<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> <br /> J'en reste presque sans voix, je n'avais pas l'impression qu'il y avait tant d'action   Pour te<br /> répondre, je n'ai pas édité de livres étranges, non. En fait, je n'ai jamais rien édité. Pas assez confiance en moi...<br /> <br /> <br /> Bon week-end également ! Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Décidément, cette petite Angélica a tout le charme et la douceur pour ce commissaire un peu rustre ,<br /> <br /> <br /> belle soirée Eryndel , Romantic.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> <br /> N'est-ce pas ? Elle mérite bien son prénom et son nom... Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />