La nuit de l'étrange (11)
Quand il parvinrent à l'impasse de l'Île, il était près de midi. Comme la veille, il parcoururent le sentier en surplomb à pied. En contrebas, les arbres parés des teintes cuivre et rouille de l'automne bruissaient doucement dans l'air frais. Parfois, un corbeau s'élevait des feuillages en criant, passait par dessus la tête brune de l'inspecteur et la tête blonde de sa coéquipière, puis prenait de l'altitude et disparaissait à l'horizon. Tout était serein.
Une fois arrivé au bout de l'impasse, Nils poussa une exclamation de stupeur. Derrière lui, Angelica s'arrêta, contemplant le mur qu'ils avaient photographié la nuit précédente.
"Il n'y a...
- ...Plus rien !" compléta Legris, les yeux agrandis par la surprise.
Un long silence fit place à cette exclamation.
Le sol semblait avoir bu tout le sang : il n'en restait plus trace. Quant au mur, on eût cru qu'il n'y avait jamais eu de pentagramme dessus. Nils n'y comprenait plus rien. Il allait falloir vérifier les photographies prises dans la nuit par les collègues.
Comme si elle percevait ses pensées, Mlle Da Luz, posant une main sur son épaule droite, lui dit d'un ton rassurant :
"Ce n'était pas une hallucination. Je l'ai vu aussi, le pentacle inachevé.
- Oui, mais qui nous croira ?
- Tous ceux qui verront les photographies.
- Cette enquête va finir par me faire perdre la boule, bougonna l'inspecteur. Pourquoi moi ?
- Je pourrais me demander la même chose, répliqua doucement Angelica. Je ne suis qu'une débutante, rappelez-vous.
- C'est vrai... J'ai tendance à l'oublier, allez savoir pourquoi.
- Inspecteur..."
Elle le regarda d'un air peiné, visiblement attristée par l'ironie qu'elle avait perçu dans sa voix. Il s'en voulut aussitôt ; mais par orgueil, il se refusait à lui faire des excuses. Aussi préféra-t-il changer de sujet.
"Il n'y a plus rien à voir ici. Allons interroger nos suspects, plutôt."
Ensemble, ils jetèrent un dernier regard à cet endroit désormais dénué de tout intérêt pour leur enquête, puis ils rebroussèrent chemin.